Novembre 2021
CAMBODGE
Un gigantesque barrage chinois menace les droits
de plusieurs peuples autochtones

Dans une étude récente, l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW) a mis en lumière l'impact social et environnemental négatifs du barrage hydroélectrique Lower Sesan 2 construit dans le nord-est du Cambodge. La réalisation de cet ouvrage dans le bassin du Mékong a coûté quelque 800 millions de dollars. Il s'inscrit dans le programme « des nouvelles routes de la soie » porté par la Chine ; son exploitation a démarré en 2018. L'entreprise publique China Huaneng Group est la principale opératrice de cette construction majeure dans le pays qui illustre les liens étroits entre Pékin et le Premier ministre cambodgien Hun Sen en poste depuis plus de trois décennies. Des journalistes cambodgiens ont signalé rencontrer des difficultés lorsqu'ils cherchaient à obtenir des informations sur le programme chinois.
Le 10 août dernier, HRW a publié un rapport de 137 pages intitulé Underwater : Human Rights Impacts of a China Belt and Road Project in Cambodia (« Sous l'eau : Conséquences sur les droits humains au Cambodge d'un projet s'intégrant aux « nouvelles routes de la soie »). Cette étude a nécessité des travaux de recherche qui ont débuté en 2019 et des entretiens menés auprès d'une soixantaine de parties prenantes dont des représentants de la société civile, des universitaires et des scientifiques. Selon ce document, entre 4 500 et 5 000 habitations ont été englouties à cause du barrage. Elles étaient situées dans des villages proches des rivières de Sesan et de Srepeok.
Plusieurs groupes autochtones et minorités ethniques sont concernées : les communautés Bunong, Brao, Kuoy, Lao, Jarai, Kreung, Kavet, Tampuan, Kachok, etc. HRW estime que les populations déplacées n'ont été ni suffisamment protégées ni convenablement indemnisées par Phnom Penh et son partenaire chinois, comme en témoigne un résident du village de Bunong :
« L'entreprise n'a pas pris en compte les droits autochtones. Ils nous ont juste dit de partir. Lors de la consultation, ils ont décidé pour nous, sans nous interroger sur nos souhaits ou nos besoins ».
Le barrage constitue également un obstacle sur le chemin migratoire habituellement emprunté par les poissons du Mékong. John Sifton, directeur de plaidoyer pour la division Asie de HRW, résume en quelques phrases son effet destructeur :
« Tout ce qu'apportaient les cours d'eau avant le barrage (nourriture, eau, revenus de la pêche, etc.) a désormais disparu. Les indemnisations octroyées ne compensent pas la valeur des pertes réelles : arbres fruitiers datant de plusieurs décennies, champs, sépultures, sanctuaires religieux et villages où vivaient des familles depuis plusieurs générations. »
Informations sur les peuples autochtones du Cambodge
www.gitpa.org