URGENCE AU BRESIL
(Mars 2022)
De nouvelles menaces pèsent sur la forêt amazoniene et les Territoires Indigènes

Alors que la déforestation atteint des records, Jair Bolsonaro prend prétexte de la guerre en Ukraine, pour autoriser l’exploitation des ressources minières dans les Territoires Indigènes.
Tous les prétextes semblent aujourd’hui valables, aux yeux du gouvernement brésilien et de ses alliés au Congrès, pour exploiter l’Amazonie.
Cette fois, c’est la guerre en Ukraine et la dépendance de l’agriculture brésilienne envers les engrais russes qui justifient le passage en force d’un projet de loi particulièrement inquiétant pour les défenseurs de la forêt.
Le 9 mars 2022, les députés ont approuvé à une forte majorité (279 votes pour et 180 contre) l’examen en urgence d’un texte de loi autorisant l’exploitation des ressources naturelles – minerais, pétrole, gaz, barrages – dans les territoires indigènes.
Le texte sera voté à la mi-avril aprè avoir été examiné par un groupe de travail et non pas discuté en commissions, comme c’est la règle.
« Son approbation est probable à la Chambre des députés et les sénateurs vont subir également une forte pression pour organiser un vote rapide », craint le biologiste Romulo Batista, porte-parole de la campagne Amazonie chez Greenpeace.
Mardi 15 mars, les grandes compagnies minières, dont des multinationales, opérant au Brésil, ont elles-mêmes critiqué le projet. « Cette régulation doit faire l’objet d’un débat au sein de l’ensemble de la société brésilienne, [en impliquant] notamment les peuples autochtones eux-mêmes, dans le respect de leurs droits constitutionnels », a écrit l’Institut brésilien des Mines (Ibram), dont les 120 associés représentent 85 % de la production minière du pays, dans un communiqué.
Si l’on en croit le président, il y a urgence. Une semaine après le début des hostilités en Ukraine, Jair Bolsonaro martelait dans les médias : « Notre sécurité alimentaire est en jeu, et nous devons prendre des mesures pour ne pas dépendre de l’extérieur pour une ressource comme le potassium que nous avons en abondance. »
« Argument fallacieux »
Or, s’il est vrai que le Brésil importe plus de 80 % des engrais qu’il utilise – principalement destinés aux exportations agricoles –, il est faux de dire que la sécurité alimentaire est menacée et que la solution pour réduire la dépendance se trouve dans les territoires indigènes. Selon une étude de l’université fédérale du Minas Gerais, les gisements de potassium du Brésil ne se trouvent pas dans ces territoires. Il existerait bien une réserve estimée à 255 millions de tonnes de potassium dans des terres non reconnues comme indigènes dans le sud-ouest de l’Amazonie. Mais, surtout, il y en aurait 838 millions de tonnes dans le sud-est du pays, au Minas Gerais, où l’exploitation serait beaucoup plus rentable et moins destructrice qu’en Amazonie.
« L’argument de Bolsonaro sur les engrais est totalement fallacieux. Ce que le président veut légaliser avec cette loi, c’est l’exploitation de l’or, qui est une de ses obsessions », ajoute Romulo Batista. La légalisation de cette activité fait craindre le pire à ceux qui l’étudient.
Les ONG estiment que près de 20.000 mineurs cherchent illégalement de l’or sur le territoire du peuple Yanomami, et que plus de 600 kilomètres du fleuve Tapajos sur les terres des Munduruku ont été pollués au mercure en cinq ans. « On voit l’orpaillage comme une activité artisanale à petite échelle, mais, au Brésil, cela a pris une tout autre dimension. C’est plutôt une industrie », explique Larissa Rodrigues, qui a coordonné plusieurs études sur le sujet pour l’ONG Instituto Escolhas. Selon leurs estimations, la moitié de l’or exporté par le Brésil est issue de l’orpaillage.
Les ONG brésiliennes demandent à l’Union européenne d’inclure le Brésil dans la liste des pays qui doivent prouver la provenance des minerais selon un règlement approuvé en 2017 par le Parlement européen. Selon eux, la mesure serait particulièrement efficace pour ralentir l’orpaillage et sauver la forêt.
D’autant que la déforestation de l’Amazonie continue de battre des records.
Selon les dernières alertes du système d’observation Deter, à partir d’images satellites, 199 kilomètres carrés ont été déboisés en février, ce qui représente une augmentation de 62 % par rapport à février 2021 et un record depuis que le système Deter a été mis en route en 2015.
Ces alertes réalisées chaque mois et destinées en particulier aux services de police pour identifier les foyers de déboisement sont moins fiables que les images satellites issues du système Prodes, qui sont publiées une fois par an, en août. « Cette déforestation déjà très importante peut en réalité être encore plus étendue », considère Luis Maurano, coordinateur du programme déforestation de l’Amazonie à l’Institut national de recherches spatiales
Source : Anne Vigna Le Monde.le 18/03/2022
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